Fin de la psychanalyse ?

C’est seulement récemment qu’a circulé, en Italie sur Facebook, un article de Yann Diener, publié sur le site Internet de Psychanalyse actuelle, sous le titre « Fin de la psychanalyse en Italie ». Cet article plutôt sobre, écrit par une personne sérieuse et bien informée comme l’est Yann Diener, a suscité en Italie certains commentaires contradictoires, presque un véritable ramdam.

Si l’analyse de Yann Diener rencontre sa limite, c’est dans le fait de renvoyer la « fin de la psychanalyse » à la situation de l’Italie – là même où, depuis l’instauration d’une loi sur les psychothérapies voici trente ans, est en train de se constituer une nouvelle conscience psychanalytique : celle-ci promeut la constitution d’une association européenne de psychanalyse, consacrée à relancer la recherche et à refonder la psychanalyse sur le socle de sa tradition. Il s’agirait d’une véritable renaissance, selon la plus authentique tradition italienne, de la psychanalyse, à laquelle participent actuellement un Belge, un Français, un Anglais un Espagnol et trois Italiens (on en voit les traces sur la page Facebook de CRPEurope, en cinq langues, auxquelles s’ajoutent encore la langue allemande et la portugaise). Cette entreprise a quelque chose de fou et relève assurément de l’utopie unissant ces initiateurs, qui ne se veulent pas des fondateurs, mais qui sont engagés dans un effort plutôt joyeux.

Je veux dire par là que la situation italienne s’est révélée être, pour les psychanalystes, et pas seulement pour les Italiens, un authentique « laboratoire » théorique et politique visant à promouvoir un troisième temps pour la psychanalyse, après le premier qui fut celui de son fondateur (Freud et, avec lui, toute la génération des premiers psychanalystes) et le second qui a été celui de ses refondateurs (Lacan, Bion, et leurs écoles respectives).

Mais l’Italie s’est révélée être aussi un laboratoire « spécial », qui est un bon indicateur de la tendance contemporaine dans le champ de ce qu’on appelle la « santé mentale » (et cette appellation dénote déjà tout un programme idéologique), une tendance qui, pour être menée à bien, suppose la mise en œuvre de tout un appareil d’exclusion du sujet, dont la formation en psychanalyse procède d’un symptôme et que l’on s’emploiera précisément à éliminer, comme s’il s’agissait de guérir d’une maladie « individuelle » et « sociale ». Et c’est pour atteindre ce but qu’ont été instaurées les pratiques psychothérapeutiques, qui constituent un ample marché (sur lequel sont répertoriés quelque 360 modèles thérapeutiques, parmi lesquels les cognitivistes sont réputés être plus scientifiques que d’autres). L’application de ces modèles qui, alliée à l’action psychiatrique et aux médicaments psychotropes, est censée produire la sédation de tout symptôme et empêcher une quelconque formation subjective. Elle a un double effet : ou l’on s’adapte, ou l’on se retrouve à la place d’une scorie du social. Et les psychotropes sont pratiquement prescrits à vie, exactement comme les psychothérapies se doivent d’assurer l’hygiène sociale.

Lire la suite…